Dazed by careless word , cosy in my mind ; Narcǿtic

Ma pauvre Amy,
C’est du fond d’un train sale, sous le regard oppressant de la jeune femme avec qui je partage la cabine, épuisé et a bout de forces, que je t’écris. Je suis là, profondément seul, sans but, l’image parfaite du marginal rejeté par tous, se tournant vers … vers quoi ? Je ne peux pas te décrire. Tu n’es plus ma meilleure amie depuis cette fatale trahison. Tu n’es pas non plus mon ennemie, tu ne l’as jamais été. Tu n’es rien d’autre à mes yeux qu’un grand de sable insignifiant sur la plage de ma vie. Une femme d’affaire ambitieuse, brillante, comme j’un croise chaque jour dans la rue ou a mon travail. Dépourvue de sentiments, Amy je t’imagine telle une machine générant de l’efficacité automatiquement, sans avoir à réfléchir. Même ta vie est efficace ! Tu as fait des études dans une université de la Ivy, tu as trouvé un travail, tu as grimpé l’échelle des responsabilités jusqu’à arriver au sommet, tu t’es mariée a un avocat italien correspondant a ton idéal … Je connais la suite de ta vie ; tu le trompes, tu divorces et gardes la maison, tu te remarie, tu as trois gosses adorables et tu meurs. Ainsi ton existence aura été fade, insipide, ennuyeuse, bien que parfaite.
Heureusement, je ne t’oublie pas dans ce train qui me conduit en France. Car au fur et à mesure que je chute, que je tombe et que ma mémoire s’efface pour laisser place au vide infini, qu’ainsi je me meurs dans le silence, j’ai une pensée pour Amy Swift. Pas pour Madame Migliari, non, bien pour la délicate Amy de mon enfance, une fillette aux longs cheveux blonds, celle qui à l’époque n’était connue que pour son sourire, son sourire chaud et brûlant comme un soleil, qu’on croyait si fort qu’il guérissait les cœurs brisés et soignait les malheureux. Ce sourire unique dont le souvenir m’empêche de sombrer, de me noyer. Ma bouée de secours.
Amy, je t’écris car je te veux dans mon film. Mon dernier film avant de devenir un légume, un assisté. Je ne te demande pas ça en mémoire du bon vieux temps. Juste parce que dans cette histoire, il est question de ton sourire, inimitable. C’est un principe de marketing simple ; respecte le produit d’origine. Alors respectes ton célèbre sourire et rappliques a Londres. Emportes tes tenues de soirées, ton maquillages, et tes babioles Chanel, ça ne me gênes pas. Juste une chose. Laisse ton mari la ou il est. C’est te rendre service. Estéban ne comprends rien à l’art. Tu as tenté de te convaincre du contraire pendant longtemps. Aujourd’hui c’est le moment des aveux. Je sais que son goût n’est pas le tien et que son inculture te répugne. Bas les masques, Amy. Je perds la mémoire, mais j’ai encore de bons restes. En particulier en ce qui concerne le mois de juin 1974 Je nous vois dans cette forêt, cachés dans un bosquet, moi guettant les randonneurs pendant que tu me déballe ta sordide petite histoire. J’ai des images d’elle, enterrée, un rictus terrible fixé pour l’éternité, son magnifique visage déchiqueté, découpé, violenté et je ressens encore ce sentiment étrange qu’on me coupe une partie de moi. Tu as tué ma fiancée. Grace est partie de mon esprit dès le début de la maladie, elle s’estompe. Envolée alors que moi je reste par terre. Toi, tu es gravée en moi. Tu ne t’envoleras pas. Beaucoup trop lourde malgré ta taille 34 durement acquise, tu es collée au sol. Promise à l’enfer.
Je m’égare. Abandonné, face à la feuille de papier, je me libère. Amy, un jour, essaye. Sors de ton portable qui te sert de prothèse pour aborder les autres et écris. Pour commencer tu pourrais me répondre. Entre dans une papeterie de luxe de ton beau quartier, achète ce dont tu as besoin et libères toi. Couvres de ta magnifique écriture quelques pages. Insultes moi et décris mes défauts, sans t’arrêter, personne ne te fera obstacle. Refuses et argumentes, pas à pas. C’est jouissif. Presque autant que de tuer quelqu’un. Amy, tue-moi. Joue dans mon film… ou rabaisses moi plus bas que terre. Au final ça aura le même effet. Je serais heureux.

Affectueusement, ton dévoué Rafael.
PS ; le film est une adaptation de mon premier bouquin. Je joins un exemplaire, en guise de scénario, bien que mon instinct me dise que tu l’as déjà lu.