Vingt-deux heures, il était exactement vingt-deux heures lorsque je sortis de la maison accompagnée de ma mère. Je ne savais pas où elle m'emmenait, ni même ce que l'on allait faire mais, je la suivais, je ne voulais pas la perdre comme j'avais perdu mon père qui m'avait abandonné quelques années plus tôt. Tenant la main de ma mère, j'étais déjà fatigué et n'aurait demandé qu'à être couché, comme toutes les petites filles de mon âge, mais je surmontais cette étape, une fois de plus. J'entrais dans un des nombreux taxi d'Angeles Bay, toujours accompagnée de celle que j'appelais sans cesse "maman". Accroché à son portable, elle n'avait pas pris le temps d'attacher sa ceinture. Moi je me tenais assisse à côté d'elle, observant les moindres enseignes lumineuses de la ville, observant ses magnifiques feux tricolores qui changeaient tout le temps de couleur. J'étais dans mon monde, un monde coloré qui me plaisait.
Une voix masculine résonna soudain, me sortant de mon imaginaire. Cette voix, je ne l'a connaissais pas mais, je ne mis pas grand temps à l'identifier, c'était le chauffeur qui nous parlait. Je ne comprenais pas ce qu'il disait, comme s'il parlait une autre langue et je m'interrogeais, regardant ma mère toujours accroché à son cher téléphone. Essayant de ne pas prêter attention à cet inconnu nous ayant autorisé la banquette arrière de son véhicule, je me remis à observer les feux tricolores, me rendant alors compte que le taxi continua de rouler alors qu'un des feux était rouge. Je me disais qu'il savait ce qu'il faisait, mais je n'aurais pas dû, non, nous n'aurions pas dû prendre ce taxi.
Perdant un moment la conscience, n'ayant plus aucune notion du temps ou même du lieu, mes yeux venaient de se rouvrir. Les lumières de la ville m'entouraient toujours mais, ce n'étaient pas les mêmes. Les feux tricolores étaient désormais remplacés par les gyrophares des camions de pompiers alors que les enseignes étaient cachées par ces mêmes camions. Regardant mes mains, j'aperçus des plaies, du sang, mais j'étais en vie. Tournant alors la tête vers la place qu'occupait ma mère, j'eus une vision d'horreur, une vision qui restera a jamais gravé dans ma tête : son corps sans vie et ensanglanté. A ce moment la je compris que je n'allais plus revoir son sourire, je n'allais plus entendre sa voix ni pleurer dans ses bras. Non, tout ça, c'était fini.
Mes yeux se rouvrir alors une nouvelle fois, mais cette fois-ci, j'étais dans un autre décors. L'obscurité régnait en force, j'étais allongée dans mon lit, cachée sous ma couette et des perles de sueur coulaient sur mon visage. Je compris alors que ce n'était qu'un simple cauchemar, cauchemar que je faisais depuis maintenant douze ans, depuis que cette véritable scène s'était déroulée dans ma réelle vie. Mon radio-réveil éclairant de ses chiffres rouges, indiquait clairement dix heures. Il était temps pour moi de mettre pied-à-terre. Poussant alors d'un geste énergique ma couette au pied du lit, je ne pouvais cesser de repenser à la mort de ma mère. Les années avaient beau défiler, je n'arrivais pas à oublier, ni même à en parler. Cela faisait douze ans jour pour jour qu'elle nous avait quitté et je n'avais confié cet événement qu'à trois de mes amis : Jed, Hodolory et Kendall. Vêtue d'un petit short rose foncé et d'un débardeur gris, tenue qui me servait de pyjama, je me dirigeais vers ma fenêtre afin de faire apparaître la lumière du jour. Le soleil brillait déjà de milles feux et les citoyens se baladaient déjà dans les rues. Je n'avais qu'une envie : sortir à mon tour, prendre l'air, voir mes amis, me changer les idées.