Caryalis: « Légende d'une autre vie. »

« La légende dira que ces êtres se sont aimés jusqu'à ce que mort s'en suive. »

Le sang jaillissait de toute part. Les branches n'avaient épargné aucune partie de mon corps. J'étais une personne si forte habituellement. En quelques secondes, je n'étais plus qu'un être fragile et pratiquement inerte. La pluie avait réussi à me faire chuter bon nombre de fois. Principalement à cause de la boue causée par celle-ci. En effet, d'énormes cratères m'étaient inconnus. Lorsque j'y mettais, même un seul pied dedans, je tombais. Mais je me relevais toujours.

Alors je pensai à ce pour quoi j'étais en train de fuir. Ce fut à ce moment-là que je me sentis défaillir. Toutes mes forces, que j'avais jusqu'ici, réussit à garder, m'abandonnaient. Une nouvelle chute et se fut la dernière. Je ne me relevai plus. J'attendais, presque paisiblement que quelque chose de commun se passe. La mort sans doute. Trop peu de fois, j'avais estimé son importance. J'imaginais toujours que ce n'était pas le moment, que j'étais encore trop jeune. Et ce fut seulement à ce moment précis que je réalisai qu'il n'y avait pas de bons moments. Elle nous emportait, sans trop réfléchir.

Je me remémorai alors mes derniers instants de vie. J'avais passé le plus clair de mon temps dans ce bois. Je pouvais avouer fièrement que je le connaissais pratiquement par coeur. Mais il y aura toujours des lieux dont l'accès est interdit. Cependant, la curiosité fait de nous des personnes braves. Le danger n'est alors qu'une chose comme une autre.

Caryalis comptait alors deux cents cinquante-six habitants dont moi. Caryalis était mon lieu de résidence depuis quelques mois.

La lumière revenait vers moi. J'étais en train de me réveiller ...

PREMIER CHAPITRE

Caryalis: « Légende d'une autre vie. » Sans_t27

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« On ne comprend la solitude que le jour où on est forcé d'y entrer »

La maison dans laquelle je me trouvais ne ressemblait à aucune autre. Le balcon possédait une vue imprenable. Je me rendais compte que le paradis pouvait résider en de simples choses. L'architecture de cette nouvelle habitation était splendide. Je comprenais le choix de mes parents de venir habiter ici, même si la ville en elle-même ne possédait rien qui excellait toutes ces autres choses. La verdure y était abondante, peut-être trop d'ailleurs. Mais je pouvais m'y faire avec le temps. Le temps est remède à toutes les blessures. C'était bien connu. J'avais quitté ma ville adorée pour venir vivre ici. Je quittais tous mes amis pour me retrouver seule, dans un coin que l'on pouvait qualifier de paumée. Je ne savais pas si mes parents avaient pensé un peu à moi avant de prendre une pareille décision. Peut-être le comprendrais-je au fur et à mesure de ma vie en solitaire dans un coin sans ressources. Je soupirai face à ces pensées qui me paraissaient trop réelles pour ne faire partie que de ma tête.

Une chose m'obsédait. La première fois que nous nous étions arrêtés devant cette maison et que nous étions rentrés à l'intérieur , je m'étais dépêchée de choisir le lieu où je passerais le plus clair de mon temps. Ma chambre. Mais j'ignorais encore qu'il serait propice à de nombreuses découvertes et j'en fis une dès le premier jour. Je regardais par la grande baie vitrée de cette pièce et j'admirais un amas de bois en tout genre. Les feuilles commençaient à tomber à cause de l'automne qui arrivait et l'éclat du soleil donnait l'impression qu'il venait de l'intérieur. La forêt était l'endroit où je désirais le plus aller. J'avais souvent ressenti cette sensation auparavant. Le désir d'obtenir quelque chose qui était souvent inaccessible. Mais cette fois-ci, je voulais atteindre mon objectif et je savais que j'y parviendrais quelque soit l'épreuve que je devrais endurer pour y arriver.

Sur la demande de ma mère, j'allais en ville. Je découvrais avec stupeur que pratiquement toutes les boutiques étaient fermées. Même pas une boulangerie ou une supérette. Juste une librairie. Je n'imaginais pas les gens achetaient des livres et pourtant, ça devait être le cas. Je rentrais dedans pour peut-être me rendre compte qu'il existait d'autres humains que ma famille. Et avec chance, c'était le cas. Une jeune fille, à peine plus vieille que moi s'occupait de la caisse. Je m'approchais d'elle en me forçant à sourire. En réalité, j'avais un peu peur qu'elle soit différente de moi. En d'autres termes, étrange.

- Salut, dis-je timidement.

Le premier regard qu'elle me lançait été dur, presque sévère puis elle finissait par sourire.

- Salut. Moi c'est Sheena. Comme tu peux le voir, je m'occupe de la librairie. Seule boutique qui est encore ouverte à Caryalis. Oui, je sais, c'est plutôt étrange. Mais tu vois, les livres, n'ont pas besoin d'être acheté pour être lu. En fait, c'est une bibliothèque. Plus personne n'achète par ici.

Je ne pensais pas qu'elle parlerait autant. Je ne pouvais m'empêcher de rire. Elle était vraiment jolie. Si j'avais été le genre de fille à ne me préoccuper que de mon apparence, j'aurais été jalouse mais là, ce n'était pas le cas.

- Je suis nouvelle, finissais-je par lui répondre.

- Je l'avais bien compris ça. Si tu as besoin d'un coup de main pour te retrouver, tu peux faire appel à mon aide et à mon sens de l'orientation. Bon, je t'avoue qu'il n'y a pas grand-chose à voir par ici mais il y a des exceptions quand même.

Je sortis de la pièce en lui promettant de faire appel à elle si j'en avais besoin. J'aurais pu lui demander comment on accédait à la forêt, mais quelque chose m'en avait empêché. J'irais une autre fois. En rentrant chez moi, je découvrais mes parents entrain de ranger les cartons que le camion de déménagement venait d'amener. Mon père me regarda d'un air curieux.

- Tu as fait vite !

- Il n'y a pas grand-chose en ville.

Le caractère de mes parents et leurs habitudes me forcaient à me poser toujours la même question: pourquoi être venus ici ? Ma mère aimait beaucoup faire les boutiques le week-end et mon père, bavarder avec des gens partageant sa passion pour la peinture. Et tout comme moi, ils avaient tout quitté. Je ne savais pas s'ils se rendaient compte que les choses étaient totalement différentes. Lorsque j'avais vu le panneau «Caryalis », je n'imaginais pas une ville aussi déserte et inerte. Le destin m'avait rattrapé. C'était une punition pour toutes les choses que je n'avais pas faite. Malheureusement.

Que ce soit par des mots, des jugements, nous croyons toujours que cela est correct et que nos agissements sont justifiés. Mais le sont-ils réellement ? Le bonheur de vivre se mêle au désir de faire mal, de tromper l'autre par les sentiments et de lui montrer qui est le plus fort, qui est le maître. C'est un peu comme cette fameuse dialectique du Maitre et de l'esclave. Au final, l'esclave dépasse le maître. Pourtant, on apprend qu'il ne sert à rien de lutter pour des causes qui ne sont pas nécessaires. Alors le silence est pesant, les émotions manquent à l'appel et la peur de tout voir recommencer subsiste malgré tout. Au fond, je ne savais pas si cette pensée m'appartenait ou si elle n'était que le reflet d'autrui. Sur le balcon de ma chambre, je contemplais la verdure, celle de la forêt. Une forêt qui me demandait d'aller à sa rencontre, de faire partie de son antre. Le désir ne voulait que s'accomplir et je ne pouvais faire autrement. Je m'habillais chaudement. Bien que la nuit fût tombée, je ne ressentais pas cette peur oppressante qui ne cesserait de vous couper le souffle. Je descendais les marches doucement pour ne pas que mes parents puissent entendre mes pas et sortais tout aussi discrètement. Je n'avais pas beaucoup de chemin à faire pour accéder au bois, mais une fois à l'intérieur, je savais qu'il serait nécessaire d'avoir de la lumière. J'allumais ma lampe torche et rentrait à l'intérieur. Je me rendais compte de mes tremblements. Etait-ce le froid ou cette chose minable qui nous effrayait tous ? Sheena m'avait raconté l'histoire de cette forêt maléfique. Chaque personne qui osait s'y aventurer ne revenait jamais. Jamais.

J'avançais dans la nuit, aussi sombre qu'effrayante. Je n'avais pas l'impression que cette lampe éclairait grand-chose et pourtant, je ne pouvais pas prendre le risque de l'éteindre. Plusieurs fois, je me prenais des branches dans le visage ou même dans les pieds. Plusieurs fois, j'avais failli tomber dans des cratères de bout. Seulement, je distinguais un bruit bien étrange, comme si quelqu'un me suivait. Des bruits de pas derrière moi. Le courage ne faisait pas partie de mon caractère, alors je ne comprenais pas pourquoi je sombrais davantage dans les profondeurs de la forêt de Caryalis. Un premier craquement de branche se fit entendre, puis un second. Un courant d'air me fit sursauter.

- Tu n'as rien à faire ici, dit une voix de femme.

- Qui êtes-vous ? osais-je demander.

Je n'avais aucune réponse et cela me blessait bien plus que je ne l'aurais pensé. Essayait-on de me faire peur ? Soudain, une main se posa sur mon bras. Je me retournais en vitesse pour apercevoir un visage. Ce n'était pas une femme.

- Vous n'avez rien à faire ici mademoiselle.

- Je ne comptais pas y rester longtemps sauf si, comme pour les autres, vous décidez de m'ôter la vie.

Il me regarda, presque surprit de ma réaction. Je doutais que ce soit lui le responsable de ces disparitions, mais je ne pouvais écarter aucune piste. Son air angélique ne faisait pas de lui un coupable idéal. Mais en existait-il vraiment ? Un coupable avait-il la carrure pour l'être ? Il était impossible de l'imaginer correctement.

- Je n'ôte pas la vie des gens, ce n'est pas dans mon caractère.

Sa voix à demi-grave résonnait tout autour de moi tel un enchantement. Etais-je entrain de sombrer dans une paranoïa profonde ?

- Vous ne devriez pas être ici, reprit-il. Je vais vous raccompagner jusqu'à l'entrée.

Je le suivis sans dire un mot de plus. Cet homme m'intriguait. Si la forêt était si dangereuse, qu'y faisait-il ? Nous marchions pendant quelques temps. Je ne pensais pas avoir fait autant de mètres. Le temps était passé si rapidement que je ne m'en étais pas rendue compte. Je vis la lumière des lampadaires quelques minutes plus tard.

- Je vous laisse ici.

- Je reviendrais vous savez.

- Je n'en doute pas une seconde

Je le surpris entrain de sourire. Il me fit une révérence et partit sans faire ni dire autre chose. Je regrettais de ne pas lui avoir demandé son nom ou pourquoi il restait ici. Parfois, ce n'est pas les premiers sentiments qui nous viennent à l'esprit. Parfois, la curiosité d'en découvrir davantage prend le dessus sur la véritable identité d'un Homme. Je marchais vers la maison. Je souriais à mon tour. Peut-être que Caryalis n'allait pas être une ville aussi ennuyeuse que ça tout compte fait.

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